Par Julien Rougerie – Chargé de Programme à la Fondation Émergence

Alors que l’on estime communément la population lesbienne, gaie, bisexuelle et trans (LGBT) à environ 10% de la population totale, chez les aînés ces personnes demeurent invisibles, surtout par crainte de divulguer leur différence.

Cette crainte vient du fait que la majorité de ces personnes ont connu l’époque où l’homosexualité et la transidentité étaient criminalisées et considérées comme une pathologie. Nombreuses sont celles qui ont été contraintes de se cacher pour éviter la prison, les thérapies de réorientation sexuelle, la perte d’emploi, le rejet par leur famille ou leurs amis, par l’Église, etc. Et ces expériences d’exclusion et de rejet ont, bien entendu, laissé des traces.Bien que moins manifestes que par le passé, la stigmatisation et les préjugés subis par les personnes LGBT persistent aujourd’hui, et les aînés y sont particulièrement sensibles. Plusieurs études soulignent d’ailleurs que les personnes aînées LGBT constituent une population particulièrement vulnérable.

En effet, elles sont par exemple  particulièrement enclines à l’isolement social, et donc exposées à ses conséquences. Parmi les motifs évoqués, celui d’un soutien familial généralement plus faible que celui des hétérosexuels. Plusieurs n’ont pas eu d’enfants et/ou ont subi un rejet de leur famille. De plus, comparativement aux hétérosexuels, elles sont moins nombreuses à vivre en couple. Ce n’est qu’en 2005 que les couples homosexuels se sont vu attribuer les mêmes droits que les couples hétérosexuels.

Ensuite, elles ont entre 2 et 3 fois plus de risques de développer des problèmes de santé mentale, pouvant aller de la dépression aux troubles d’anxiété, et jusqu’aux idéations de suicide.

Vis-à-vis des services sociaux et de santé, on constate chez elles une certaine réticence à les utiliser, notamment parce que l’on y considère trop souvent que tout le monde est hétérosexuel par défaut. Cette approche dite hétéronormative peut être vécue comme une forme d’exclusion, notamment chez les aînés dont la révélation de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre est un sujet très sensible.

Au-delà de l’inadaptation des services, on note aussi des formes d’homophobie ou de transphobie plus graves. Dans un sondage de 2009, 8,3 %[1] des répondants déclarent avoir été négligés ou abusés par un intervenant pour cause d’homophobie. Dans une autre étude, 53 %[2] des répondants déclarent avoir déjà senti de l’hostilité, reçu un traitement différent ou rencontré un manque de compréhension de la part des professionnels de la santé.

POUR QUE VIEILLIR SOIT GAI 

Pour répondre à cette situation, la Fondation Émergence propose un programme d’information et de sensibilisation aux réalités des personnes aînées LGBT, destiné à toutes celles et ceux qui œuvrent auprès d’elles  ou qui les côtoient. Ce programme nommé  Pour que vieillir soit gai, vise à les outiller afin d’assurer des environnements plus accueillants et sécuritaires.

Pour ce faire, la Fondation Émergence propose gratuitement des séances de formation auprès des intervenants, comme ont d’ailleurs pu en bénéficier les directeurs régionaux des CAAP le 18 octobre dernier. Cette formation comprenait le témoignage d’une personne aînée LGBT, ainsi que des pistes de solution afin de mieux accompagner cette population dans une démarche de plainte.

Elle propose également du matériel d’information et de communication, disponible sur son site internet : fiches et guide d’information, dépliants, recensement d’études, capsules vidéo, affiches, autocollants, filmographie, etc.

Suite à la formation, les organisations peuvent rejoindre la liste des adhérents à la Charte de bientraitance envers les personnes aînées LGBT, ce que fera d’ailleurs prochainement la Fédération des CAAP.

COLLABORER AVEC LES CAAP

Désormais mieux sensibilisés à la réalité des personnes LGBT,  les CAAP et la Fédération pourront à l’avenir intégrer davantage cette réalité dans leurs rapports avec les usagers du réseau de la santé et des services sociaux, et collaborer avec la Fondation Émergence à des projets communs.

[1] Frazer, S. (2009) LGBT Health and Human Services Needs in New York State.

[2] The University of Edinburgh (2004). Non-heterosexual Ageing: social and policy implications. Étude portant sur 266 personnes LGB de 50 ans et plus.