Dans l'angle mort de la pandémie

 

 

 

 

 

 

Lettre ouverte

 

Québec, le 7 mai 2020 

Dans son point de presse quotidien, le gouvernement du Québec dresse avec minutie le bilan de la pandémie que nous traversons : nombre de nouveaux cas, de décès ou d’hospitalisations… Et malheureusement, un constat s’impose :  les personnes aînées sont particulièrement touchées. Mais il y a aussi des aînés, victimes collatérales et silencieuses, qui ne font pas partie de ces tristes statistiques. 

Ce sont ceux qui vivent dans les résidences privées pour aînés (RPA) et qui, en plus de faire face à un confinement strict dû à la nécessaire distanciation sociale (nous saluons d’ailleurs les récents assouplissements de cette consigne), voient leur portefeuille faire les frais de cette pandémie. 

Ils se demandent pourquoi les résidences continuent à leur faire parvenir des avis d’augmentation de loyer, pour lesquels ils n’ont d’ailleurs pas eu toute l’information nécessaire pour choisir de les accepter ou les refuser. Les résidents ne s’expliquent pas non plus, les raisons pour lesquelles elles exigent encore des frais, pour des services qu’ils ne reçoivent plus depuis plusieurs semaines. Que ce soit parce qu’il n’est plus possible de faire le ménage des appartements, parce que les loisirs ont été suspendus ou parce qu’ils ont temporairement quitté leur logement pour vivre chez des proches, afin d’être dans un milieu de vie plus sécuritaire et rassurant pour leur santé. 

De plus, il y a tous ceux qui ont à déménager dans une résidence ou à la quitter, et qui ont grand besoin de flexibilité. Certains avaient, par exemple, prévu de quitter leur maison pour emménager dans une résidence, mais souhaitent retarder ce déménagement car ils craignent d’y attraper la COVID-19.  Ils se voient alors contraints de payer deux loyers. Voilà ce que constatent les conseillers des Centres d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP) sur le terrain ! Oui, des contrats ont été signés, mais le contexte était alors bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui.  

Récemment, les résidences privées pour aînés ont reçu un montant de 40 millions de dollars, afin de mieux pouvoir composer avec le défi que représente la gestion des ressources humaines, et permettre ainsi aux résidents de continuer à recevoir les soins et les services adéquats. Mais au final, les aînés doivent quand même sortir de l’argent de leurs poches pour des services qu’ils ne reçoivent pas.

Certains d’entre eux vivent actuellement beaucoup de pression financière et font parfois face à des actes s’apparentant à de la maltraitance, alors qu’ils sont davantage vulnérables, parce qu’ils sont isolés physiquement de leurs proches. 

Nous ne pouvons pas rester silencieux face à une telle situation. Dès lors, nous demandons au gouvernement :  

  • de faire en sorte que soient reportées toutes les hausses de loyer visant les locataires demeurant dans les résidences privées pour aînés, comme nous l’avons déjà réclamé en mars dernier; 
  • que des directives claires soient données aux résidences privées pour aînés afin qu’elles ne réclament plus de frais pour des services qui ne sont plus fournis aux résidents, ou que ceux-ci puissent être compensés financièrement;
  • de s’assurer que les aînés qui ont à déménager puissent le faire en toute sécurité et que l’on trouve des moyens pour modifier les calendriers de prise de possession, qui respectent le bien-être de l’aîné, et non pas simplement des impératifs de gestion.

Nous comprenons que les résidences privées pour aînés, tout comme d’autres entreprises, fassent face à certaines difficultés financières et à des défis organisationnels. Mais cela ne peut, en aucun cas, se faire au détriment des aînés qui y vivent ! 

Faisons ce qu’il faut maintenant et, suite à cette crise, nous pourrons collectivement réfléchir aux questions de fond touchant l’hébergement des aînés.

 

Manon Fortin

Directrice générale de la Fédération des CAAP